tu descends des bières dans un bar de la rue
mont-royal
quelques parties de billard, des copains
***
tu acceptes les services d’une prostituée
coin sainte-catherine / de la montagne
peep-shows, néons, banques, taxis
tu erres ; hagard, noué
il pleut ou il neige
ciel vert et rose, joyau urbain en pleine fonte
tu quémandes à un passant du feu
blackout
***
tout va très vite
admission, triage, infirmière, médecin de garde
ton nom nommé trois fois
trois fois tu sursautes ; chasser un sanglot
cesser de trembler, ne pas laisser
se bousculer les phrases...
ativan
***
réveil pénible, bouche pâteuse
aucune idée de l’heure qu’il peut être
tu es chancelant, tu croises des regards vides
des visages terroorisés, des septuagénaires
dodelinants
et, enfin, ridicule
ta jaquette bleu poudre
le psychiatre t’invite à t’asseoir
il porte une chemise aux motifs qui aujourd’hui
t’indiffèrent
un pantalon brun, une moustache aggravante
il est laid
docteur saint-denis, stasi de pacotille
tu t’expliques au mieux malgré tout
assommé par les anxiolytiques
lui trouvant une allure de porc
tu as même te semble-t-il
cité bettelheim exprès
***
tu te figes (le porc t’a donné congé
et une prescription que tu chiffonnes de facto)
hall de l’hôpital notre-dame, dix-sept heures
tu décroches le combiné
en chien de fusil dans la cabine
tu composes sept chiffres
te jettes ensuite sur un fauteuil
(pleurs en saccades, impossible
de recouper les récents événements)
tu attends
zoom sur ta meilleure amie franchissant
les portes d’entrée
tu crois une apparition
tu fermes ta gueule, saisi
***
tu reconnais son parfum ;
ses bras un asile
Jean-Philippe Bergeron, « montréal, 28 décembre 2001 », Visages de l’affolement, Poètes de brousse, 2016.